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Équipements et fréquentation : le trail est-il si vert que ça ?

Équipements et fréquentation : le trail est-il si vert que ça ?

Les années passent et le succès du trail ne se dément pas. Mais si monter des côtes à la cote, la pratique pose aussi pas mal d’interrogations quant à son impact écologique. Eh oui, plus il y a de traileurs, plus ça fait de monde sur les sentiers, d’équipements sportifs à produire ou de compétitions internationales à divers endroits du monde… Bref, comme pour n’importe quel sport, il y a des manières plus ou moins respectueuses de le pratiquer. Pour savoir comment faire du trail tout en ayant le meilleur impact pour la Planète, on a interviewé un champion d’ultra-trail particulièrement sensible à la cause écologique : Xavier Thévenard.

Xavier Thévenard est né dans le Jura. Spécialiste de l’ultra-trail, il a remporté l’Ultra-Trail du Mont-Blanc en 2013, 2015 et 2018 et a réalisé le grand chelem de l’UTMB. Engagé à de nombreux niveaux pour la Planète, il fait partie de la Team d’ambassadeurs Sport Planète MAIF, qui vise à promouvoir une pratique sportive écoresponsable.

 

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À quels dilemmes écolo t’es-tu heurté dans ta carrière ?

Je suis plein de contradictions et je ne suis pas irréprochable parce que j’ai voyagé partout dans le monde. Et puis j’ai un équipementier qui me permet de gagner ma vie. Je ne sais pas si faire de la pub pour des marques va dans le bon sens de la transition écologique sachant que la société de consommation est délétère pour notre environnement…

Comment agis-tu à ton échelle ?

Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 il faut qu’en tant qu’individu on soit à 2 tonnes de CO2 par an. J’essaie de consommer moins, de décroître pour y parvenir. Je ne prends plus l’avion, j’essaie de limiter la voiture et de privilégier le vélo ou le train. J’ai calculé mon empreinte carbone et je suis à 5 tonnes donc il y a encore un gap. D’ici un ou 2 ans je devrais m’approcher des 3 tonnes.

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L’argent que je gagne via mes partenaires je l’investis dans des projets viables à long terme, respectueux de l’environnement et qui profite au plus grand nombre. Aujourd’hui, je réhabilite une vieille ferme jurassienne avec des matériaux écologiques pour en faire en habitation passive, autonome en eau et en énergie. Le but c’est d’y accueillir du monde, d’y faire un jardin partagé avec des arbres fruitiers, un verger… Cet argent j’ai envie de le partager parce que je pense que l’entraide sera indispensable à l’avenir vu les catastrophes naturelles qui vont arriver au fil des années.

Xavier Thévenard
Bon là c’est pas terminé, mais faut se projeter ©XavierThévenard

L’avion est-il le nerf de la guerre ?

Avec un aller-retour long courrier, on a déjà bouffé notre quota de CO2 pour l’année. Il y a tellement de beaux coins en France, on est gâté et servit pour ça. On a des lois qui sont censées nous protéger : on se fait punir si on met une droite à son voisin, par contre on a le droit d’avoir des actions hyper délétères pour l’environnement et qui nous tuent à petit feu. On devrait avoir des lois qui nous interdisent d’émettre tant de CO2 par an ou de prendre tant de fois l’avion.

Quels sont tes spots préférés en France pour faire du trail ?

Le Jura c’est vraiment une terre de trail, c’est hyper vallonné, accessible à tous parce que les reliefs sont assez doux, on ne se met pas en danger. Cet été, je m’entraînerai principalement au Crêt de Chalam dans le massif du Jura. Dans les Alpes y a vraiment de chouettes endroits, c’est dur de choisir. Là toute de suite je pense à la vallée de Vallorcine avec la montée au Buet qui est magnifique. C’est une sortie où on ne peut pas être déçu.

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Le trail, ça met encore plus de gens dans la nature : bon ou dangereux pour la biodiversité ?

Je trouve ça bien qu’il y ait de plus en plus de personnes qui pratiquent la discipline. Je me dis qu’ils viennent pour retrouver des sensations authentiques et simples : courir, contempler des paysages, être en plein air, s’oxygéner. On vient de là, on est des nomades, des chasseurs-cueilleurs, on est fait pour se déplacer, être en mouvement, pas derrière un bureau. J’espère que ça les sensibilise aussi à ce milieu qui est fragile et que derrière, ils prennent des décisions dans leur quotidien pour diminuer leur empreinte carbone.

Après, il faut se restreindre au niveau de la liberté que l’on a dans ces grands espaces naturels. Il ne faut pas croire que la nature nous appartient, que l’on est chez nous. C’est encore assez dur de le faire comprendre. On a déjà une multitude de sentiers incroyables, est-ce que c’est vraiment nécessaire d’aller s’enfoncer au plus profond de la forêt ?

Xavier Thévenard
Y en a un qui a perdu un truc ©XavierThévenard

Le trail, c’était mieux avant ?

Quand on se balade sur un salon de l’UTMB et qu’on voit toutes les marques qui sont là pour vendre du matériel, on voit qu’il y a un vrai business. Aujourd’hui pour faire du trail et de l’ultra, on peut s’équiper avec tout : des bâtons, des manchons de contention, des montres connectées etc. Mais à la base, le trail c’est une paire de baskets et un short ! Et puis l’habit ne fait pas le moine.

En 2022, l’association International trail running a mené une enquête sur les habitudes de 9500 traileurs du monde entier. La majorité d’entre eux dépensent entre 200 et 600 euros par an pour renouveler leur matériel.

Les équipementiers recommandent de changer de chaussures après 800 à 1000 kilomètres parcourus. Comment fais-tu durer tes équipements ?

J’essaie d’avoir des partenaires avec qui je partage les mêmes convictions et valeurs. Je cours avec la marque On Running. Ils ne sont pas parfaits, mais ce n’est pas du greenwashing. Ils se bougent pour faire des chaussures plus durables. Là, ils ont sorti une chaussure 100% recyclable avec un modèle d’abonnement : quand la semelle est abîmée ou le mesh troué (partie supérieure de la chaussure), on renvoie la basket et elle est retournée réparée quelques semaines plus tard. Au lieu de jeter ses baskets usagées, on peut aussi les donner à des entreprises spécialisées dans leur recyclage comme RunCollect.

Comment s’engager quand on fait du trail ?

J’observe un petit décalage sur les réseaux où il y a beaucoup de selfies et de « m’as tu vu ». Il y a encore trop peu de traileurs qui montrent la nature évoluer, leur rencontre avec des animaux. Sur les réseaux, on préfère plus parler de soi et de performance que de nature. Alors que quand je suis dans la forêt j’ai plutôt envie de prendre des fleurs parce que ça a bien plus de gueule que de faire un selfie. On parle beaucoup de climat, mais pas de la première extinction de masse qui est l’effondrement de la biodiversité. On ne s’en rend pas compte quand on vit dans un milieu urbain. Il y a donc un gros travail de pédagogie à faire sur la protection de la biodiversité.

 

 

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Sinon, pour courir utile, on vous recommande l’association Trail Runner Foundation. Elle organise de nombreuses courses chaque année et prône un comportement éco-sportif, notamment dans la pratique du trail : respecter la nature, ne rien jeter et ramasser les déchets. Votre avis nous intéresse. Selon vous quel est le sport le moins impactant pour la planète ?

Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.