Chilo | Story
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Récit : « J’ai fait Bordeaux-Thessalonique sans avion ni voiture »

Récit : « J’ai fait Bordeaux-Thessalonique sans avion ni voiture »

« Pourquoi tu ne voyages pas plus souvent puisque tu peux travailler n’importe où ? » Voilà ce que m’ont dit des potes sur la liberté offerte par mon statut de FREElance. Cette remarque a dû faire son effet, car je me suis mis un coup de pied au derrière, après plus d’un an sans long voyage, pour passer un mois en Grèce, sans vacances, en plein automne. A priori, une expérience de workation (combiner vacances et travail) classique. Mais lorsque j’ai commencé à organiser le séjour, l’idée de me rendre au pays de la moussaka sans avion ni voiture a germé. Voici ce que j’espérais, comment j’ai organisé mon périple et les aventures que j’ai vécues.

Pourquoi je l’ai fait ?

Gare de Bordeaux
Thessalonique : départ à 5h18 voie C – ©Pierre

Le trajet fait partie du voyage. C’est la philosophie que j’ai suivie en faisant ce choix de slow travel. Parcourir différentes régions d’Europe et rencontrer des gens et des imprévus est quand même plus sexy qu’attendre devant une porte d’embarquement. Autre motivation : ne pas ruiner mon bilan carbone. J’ai commencé à planifier mon périple 2 mois à l’avance. Le genre de challenges qui me donne la pêche.

Une orga aux petits oignons…

Vélo dans le train
Je me sens tout retourné – ©Pierre

Tout commence par des dizaines d’onglets ouverts, une calculatrice et un calendrier sous le coude. L’idée est de me rendre de Bordeaux à Thessalonique, la première ville au programme de mon séjour, en train et ferry, en emportant mon vélo puisque les week-ends de bikepacking sur les terres natales de Nikos Aliagas me tentent. En plus, le deux-roues donne un maximum de flexibilité de déplacements.

Suisse, Balkans, Italie… Pendant plusieurs heures, je compare les itinéraires. Mes recherches ressemblent à un puzzle à 5 000 pièces, la principale difficulté étant que les places pour les vélos non démontés sont (encore trop) rares dans les trains. Finalement, mon salut vient d’un bus Lyon-Milan, équipé d’un porte-vélos.

Voici l’itinéraire que je vais parcourir pendant 3 jours et demi :

🚅 Bordeaux > Paris > Lyon (#centralisation)

🚌 Lyon > Milan

🚅 Milan > Foggia > Bari

⛴️ Bari > Igoumenitsa

🚌 Igoumenitsa > Thessalonique

Au retour, j’ai suivi le même chemin, excepté que le départ était à d’Athènes et que je n’ai pas fait le détour à Foggia.

Côté prix, il n’y a pas photo, le slow travel a un coût : à peu près 720 € aller-retour. À cela, il faut ajouter un tapis de sol à 18 € et une sacoche de porte-bagages pour vélo à 120 €.

Pour limiter mes autres dépenses, je contacte deux hôtes de la communauté cycliste Warmshowers, à Milan et dans la région de Bari, et réserve un emplacement pour tente dans un camping pour ma première nuit en Grèce.

Tente dans le jardin
Comment on dit Jardin d’Eden en italien ? – ©Pierre

Mon pari tenu, voyons maintenant l’impact carbone de mon aller-retour, en CO₂ équivalent :

  • Train : 21 kg
  • Bus : 49 kg
  • Ferry : 120 kg

Soit un total de 190 kg, alors qu’en prenant des vols Bordeaux-Thessalonique et Athènes-Bordeaux, j’aurais émis environ 780 kg. Je ne serai pas obligé de couper le chauffage cet hiver pour tendre vers les 2 tonnes de CO₂e/an/habitant.

Sur le bateau
Bari plage – ©Pierre

La dolce vita à vélo

La veille de mon départ, j’ai l’impression géniale de prendre une sortie d’autoroute pour faire quelque chose qui a du sens, au lieu de suivre le flot de mes activités citadines quotidiennes. Parti aux aurores, je profite des trajets en TGV pour télétravailler.

À Lyon, surprise lorsque mon bus arrive : aucun porte-vélos à l’arrière. Le chauffeur sort : « Le vélo, ça ne va pas être possible ». Je lui montre mon billet et lui fais remarquer qu’il y a de la place dans la soute. Il accepte, mais me prévient que je devrais sortir au prochain arrêt, à Turin, où, finalement, on ne me dit rien.

Vous allez voyager en bus avec un vélo non démonté ? Préparez-vous à insister.

Une gare
Elle a changé la gare Montparnasse – ©Pierre

À Milan, la tuile : mon hôte Warmshowers n’est plus disponible. Il est minuit : dormir en hôtel ? Cela manquerait d’aventure. Autant découvrir la ville en roulant.

La tête levée, j’observe les nombreux grands édifices civils et religieux illuminés. Le mot qui me vient pour décrire la cité de la mode et de l’escalope : monumentale. Les rues désertes sont formées de larges pavés qui font sursauter mon vélo. Petit à petit, la fatigue se fait sentir. Je m’allonge sur mon tapis de sol sur un coin de verdure au bord d’un monument, avant de m’abriter dans la gare jusqu’au lever du soleil.

Monument historique
Sympa la petite chapelle – ©Pierre

Dans le train qui traverse la botte jusqu’à Foggia, dans les Pouilles, mon programme est chargé : dodo, admirer le look classe des Italiens et lire le nom des villes qui défilent.

À l’arrivée, je roule 10 km sur une route de campagne non éclairée. Un cycliste guinéen rentrant du travail tous feux éteints, pépouse, m’accompagne sur une partie du trajet. À l’arrivée chez mon hôte Warmshowers absent, je récupère la clé cachée derrière le portail, comme il me l’a indiqué. L’entraide : un élément qui rend le périple génial.

Je fais ensuite un tour à la supérette du bourg d’à côté, où le gérant m’offre des ailes de poulet cuisinées – décidément, les gens sont sympas ici – puis monte ma tente dans l’obscurité. Le lendemain matin, le jardin entouré de champs se dévoile. Je cueille des oranges et grenades puis prépare un thé sur mon réchaud, tout en respirant l’air pur et frais.

quai
Surtout ne pas faire de vague – ©Pierre

À Bari, je me balade dans la vieille ville puis embarque à bord du ferry. 9h plus tard, les lettres de l’alphabet grec sont visibles. Une route non éclairée, longeant la baie d’Igoumenitsa, mène à une piste cyclable. Sous le ciel étoilé, tout en roulant sur cette presqu’île, j’admire les barques de pêcheurs sur l’eau. Seul le bruit continu des petites vagues se fait entendre. Au bout de la piste magique, le camping apparaît, où un homme, assis dans une voiture, m’accueille.

Au réveil, il n’y a que quelques dizaines de mètres à faire pour rejoindre la plage. C’est mon 2e petit-déj de suite dans la nature. Ce médicament devrait être remboursé par la Sécu.

Pendant 5h, les massifs montagneux grecs et les oliviers rythment le voyage en bus jusqu’à Thessalonique. À l’arrivée, je me lance à l’assaut des grandes artères de la métropole, où les voitures et bus me dépassent à toute allure. Comment ça il n’y a pas de piste cyclable dans toutes les villes d’Europe ?

Vue sur Thessalonique
Thessalo-Unique– ©Pierre

À 15h, mon vélo est garé devant l’immeuble de mon Airbnb. 3 jours et demi d’un périple inoubliable et hors du temps s’achèvent. Un mois de visites de sites historiques, de rencontres, de télétravail et de soleil commence.

Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.