Femmes en haute montagne : on fait le point
En juin dernier, Sophie Lavaud est devenue la première française, tous genres confondus, à gravir les 14 sommets de plus de 8000m de la planète. Elle a fait la une des journaux et ce n’est pas la seule. Exploits, records, compétitions internationales, les sportives font parler de plus en plus d’elles. Mais ce n’a pas été toujours le cas et encore aujourd’hui on est loin de la parité. Dans le milieu de la montagne, la vallée est assez mixte, mais au bout d’un certain dénivelé, les femmes se font plus rares. On a demandé à Tanya Naville, fondatrice du festival de films outdoor Femmes en montagne, si on était vraiment en train de briser le plafond de glace.
Tanya Naville, ingénieure devenue free-lance en communication pour des marques de sports outdoor, a également été coordinatrice des groupes féminin d’alpinisme (GFHM et GAF74) de la FFCAM pendant 5 ans. Depuis 2016, avec son asso On n’est pas que des collants, et le festival de films Femmes en montagne, elle contribue à promouvoir la mixité dans les sports de haute montagne.
Dernières de cordée
La montagne a toujours été parcourue par des femmes mais en minorité. Pourquoi ? Peut-être parce que pendant des décennies, ce n’était pas leur place, en tout cas selon les codes usuels de la société. En effet, la femme était vue comme un être fragile devant être protégée et ne pouvant s’exposer au risque. Or la montagne est un environnement dangereux et accidentogène. Alors forcément, difficile d’imaginer une femme au bout d’une corde dans le vide ou en train de traverser une crête, ce serait insensé (pourtant, sont elles en sucre ? Certainement pas) ! Heureusement, il y a toujours eu des femmes pour ne pas l’entendre de cette oreille. La première femme à avoir gravi le mont Blanc, Marie Paradis, remonte tout de même à 1808, bravo madame !
À lire aussi : 👉 10 femmes aventurières qui nous inspirent
Un plafond de glace brisé
Des femmes pratiquantes de haute montagne, il y en a toujours eu : Henriette d’Angeville, Lucy Walker, ou encore Loulou Boulaz, pour ne citer qu’elles. Mais bien souvent leurs réalisations ont été invisibilisées et non retenues dans l’histoire, car les médias ne traitaient pas forcément le sujet, tout comme l’ensemble des sports féminins. Heureusement, « un beau tournant médiatique se fait à partir de 2016 : les exploits féminins trouvent de plus en plus leur place dans les médias. »
Le constat était le même dans les festivals de films outdoor : la plupart des contenus étaient tournés vers les hommes et la performance, mais rien n’était impactant et inspirationnel pour les femmes qui ont besoin de modèles pour oser se lancer. C’est dans ce contexte que Tanya a imaginé l’évènement Femmes en montagne. Preuve que le sujet intéresse et que les femmes sont bien présentes en haute montagne : « dès la première édition, la salle était remplie, le public a très bien accueilli le sujet ! On a reçu des films d’une vingtaine de pays, c’était un carton plein ! ».
À lire aussi : 👉 5 livres incontournables de l'histoire de l'alpinisme
Continuer à déplacer des montagnes
Aujourd’hui, beaucoup de chemin a été parcouru mais il reste encore de nombreux coups de piolet à mettre dans ce plafond de glace. « En 2019, seuls 7,2% des exploits sportifs féminins étaient en Une de l’Équipe, et en 2022, les femmes guides de haute montagne représentaient toujours seulement 2% ». Et quand un groupe d’homme croise une cordée exclusivement composée de femmes, c’est la phrase « ah mais vous êtes seules !? » (alors qu’elles sont 10) qui vient naturellement… Alors pour que ces cordées 100% féminines deviennent aussi banales qu’une cordée masculine, les femmes prennent le parti de continuer à pratiquer dans la non-mixité. Pour aider à cela, en parallèle des projections, le festival organise dans plusieurs villes Le verre des montagnardes pour que les pratiquantes rencontrent de nouvelles coéquipières.
En novembre prochain, le festival lancera déjà sa 4ème édition à Annecy avec toujours la motivation de sensibiliser à tous les niveaux : hommes et femmes, spectateur·trices et réalisateur·trices, les jeunes avec la tournée scolaire, mais aussi les autres festivals sur l’importance de voir des femmes à l’écran. Et bien sûr d’encourager à ce qu’il y ait plus de femmes devant et derrière la caméra, notamment avec la catégorie de films amateurs. On retrouve également le festival en digital du 2 novembre au 2 janvier 2024 afin d’être accessible à tous et d’inspirer encore plus de monde !
Et vous, comment pensez-vous pouvoir faire avancer les choses ? Dites-le nous à hello@chilowe.com !
Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.