Comment transformer son chihuahua en chien de traîneau ?
Parfois, en regardant la neige tomber par la fenêtre, il nous vient des questions existentielles. Par exemple, pourquoi est-ce qu’on regarde la neige tomber par la fenêtre au lieu d’aller en profiter dehors ? Ou encore : pourquoi ne pas faire du chien de traîneau avec Trésor notre chihuahua ? Après tout, tous les chiens ont quatre pattes et un amour pour la course… C’est sûr que pour cette virée à la Croc-Blanc on pense plutôt à un malamute d’Alaska, un groenlandais (la race de chien, pas l’habitant du Groenland) ou un husky sibérien… Mais il ne sera pas dit que chez Chilowé on rechigne face à l’aventure, et dresser son chihuahua pour en faire en chien de traîneau promet d’en être une belle. Pour relever ce défi, nous avons fait appel à Rémy Coste, six fois vainqueur de la Grande Odyssée, la plus grande course de chiens de traîneau d’Europe. Il nous a dit tout ce qu’il fallait savoir sur le dressage des chiens de traîneaux.
Sommaire
Qu’est ce qu’un musher ?
Il existe un mot pour désigner le conducteur de traîneau à neige : on parle d’un musher. « Ce mot vient d’un langage issu du Canada. Pour faire démarrer les chiens, on disait mush », nous explique Rémy Coste. À la base, il est possible que ce mot soit un calque du français « marche », déformé par des oreilles non habituées à la langue de Molière. À ses côtés on trouve le handler, un mot anglais signifiant dresseur ou entraîneur selon le contexte. « C’est la personne qui aide le musher à amener le traîneau au départ des courses, à soigner les chiens, à mettre le harnais. »
CHILO Tips : on ne parle pas d’une meute de chiens, mais simplement d’un groupe de chiens. Meute c’est pour les loups et on nous souffle dans l’oreillette qu’ils ne verraient pas d’un très bon œil de se faire atteler pour nous traîner dans la neige.
Comment diriger son attelage ?
Aujourd’hui, on ne dit plus « mush » pour donner le top départ à l’attelage : un simple « OK » suffira ou parfois « aller » pour lancer les chiens francophones. Heureusement, pas besoin de mémoriser un dictionnaire entier pour devenir chien de traîneau, puisque d’après Rémy Coste, « moins on leur parle, plus les chiens sont attentifs aux ordres qu’on va leur donner, il suffit de leur donner les ordres essentiels ». « Haw » pour gauche, en prononçant le « h », et avec un o bien ouvert comme dans le mot « sol ». Pour tourner à droite, il faut dire « gee », comme un bon verre de « gin », mais sans le « n ». Enfin, « hooo » pour ralentir et s’arrêter, en prononçant le « h » et avec un « o » fermé, comme le pays « Trinité-et-Tobago » (tout simplement).
CHILO Tips : Avant de sortir sur la Grande Odysée avec Trésor notre chihuahua, il vaudrait mieux l’éduquer pour qu’il comprenne bien ce que chaque ordre veut dire. Pour cela, rien de tel que la répétition. L’idéal est un parcours de promenade, toujours le même, au cours duquel on prend l’habitude de lui dire « haw » et « gee » à chaque fois qu’il y aura un virage à gauche ou à droite.
Comment organiser son attelage ?
Même si le mushing peut se faire à partir de deux toutous, Rémy Coste considère que l’attelage « le plus performant pour obtenir de la puissance tout en conservant une homogénéité », comporte huit chiens. Les leaders sont les deux premiers de l’attelage, « ceux à qui on s’adresse pour indiquer la direction. Derrière eux on a les swings, ils soutiennent les leaders et donnent de la vitesse. Ensuite, on a les team dogs, qui forment le gros de l’équipe et permettent de maintenir la vitesse. En dernier lieu les wheels, les chiens les plus costauds puisqu’ils sont juste devant la charge à transporter ».
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Pas de hiérarchie pour un attelage efficace, mais plutôt de l’homogénéité, avec des chiens « de même gabarit, de même taille et de même poids, et les mêmes qualités pour pouvoir les mettre à n’importe quel poste ».
CHILO Tips : Pas assez de place pour avoir autant de chiens à la maison ? L’alternative, c’est de se mettre au ski attelé ou ski joëring. On le pratique généralement avec un cheval, mais ça fonctionne aussi avec un chien. Pourquoi ne pas essayer avec Trésor ?
Comment entraîner son chien ?
On espère que vous aimez votre toutou, parce que pour qu’il soit au niveau, il va falloir passer du temps avec lui. Notre expert Rémy Coste se trouve en compagnie de ses chiens pendant 15 à 18 heures par jour. Oui, il se lève tôt. La clé d’un bon entraînement ? « Tout doit être un plaisir. L’entraînement doit être difficile et structuré, mais un plaisir, sinon le chien ne sera pas performant. » Autre conseil, varier les exercices : se promener avec eux, courir, nager ou faire du vélo, tout peut faire l’objet d’un entraînement. « La vitesse, le chien l’a de manière naturelle. Par contre, on va beaucoup travailler l’endurance, pour tenir le plus longtemps possible, et une musculature spécifique à l’attelage en courant longtemps et sous contrainte ».
CHILO Tips : Comme tout athlète humain, Trésor notre chihuahua gagnera à avoir un entraînement léger, mais régulier, plutôt qu’intense, mais temporaire. Cela dit, le fractionné peut être une bonne manière d’augmenter son endurance, en alternant phases rapides et phases de récupération. Mais attention : c’est au musher de gérer la vitesse. Comme le dit Rémy Coste, « le chien est entraîné à aller vite tout le temps, il n’est pas capable de se dire de son propre chef qu’il doit ralentir parce qu’un terrain est plus technique » : ça, c’est notre boulot.
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Comment savoir si son chien est assez costaud ?
Malgré le meilleur entraînement du monde, un chihuahua risque de rencontrer un petit problème de force de traction. « En général, un chien va être capable de tirer son propre poids. » Ceux de Rémy, font en moyenne de 25 kg. Le traîneau pèse autour de 8 kg. Enfin, la charge principale à traîner reste le musher. Si l’on est du même gabarit que Rémy, les chiens auront à traîner 80 kg de traîneau, de matériel et d’humain. Sachant que le poids moyen d’un chihuahua est compris entre 1 et 3 kg, il en faudrait donc entre 26 et 80 pour un attelage capable d’avancer dans le Grand Nord. Et encore, aucune garantie qu’ils parviennent à avancer à une vitesse moyenne de 30km/h comme le font les scandinavian hounds de Rémy.
CHILO Tips : un autre problème avec un attelage à 80 chihuahuas, c’est que les deux chiens leaders de l’attelage risquent de se retrouver bien trop loin devant pour entendre tous les ordres. On espère que Trésor a l’ouïe fine.
La question qui fait mal
Mon chien est-il assez intelligent pour devenir un chien de traîneau ? Mauvaise nouvelle, il se peut que Trésor le chihuahua soit juste trop… Ou disons pas assez… Enfin il n’est probablement pas fait pour cette discipline. « Je ne sais pas si les chiens de traîneau sont plus intelligents, mais ils sont sélectionnés depuis des dizaines et des dizaines de générations, il y a un côté inné », explique Rémy Coste. Un bon test consiste à l’attacher à un traîneau. « La première fois qu’on met un harnais à un chien, au bout de quelques dizaines de mètres, il sait quoi faire. »
CHILO Tips : D’après le Livre des origines français (LOF), le registre qui répertorie les chiens de race, le chihuahua est « utilisé » en chien de compagnie, et non pas en « chien de traîneau » comme c’est le cas d’un malamute d’Alaska par exemple. Pour faire le test, posez Trésor à côté de vous, et regardez s’il vous tient compagnie.
Maintenant que le mushing n’a plus de secret pour nous, il va falloir affronter la réalité en face : votre chien a-t-il vraiment l’endurance et la force d’un malamute d’Alaska ou la résistance au froid d’un Husky ? Pour Trésor le chihuahua en tout cas, mieux vaut qu’il abandonne ses rêves glacés ; une discussion douloureuse, mais nécessaire.
Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.