Chilo | Story
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Récit : « De consultante, je suis devenue navigatrice »

Récit : « De consultante, je suis devenue navigatrice »

Laura sur son voilier au soleil couchant
© Laura Eisenbach

Quitter sa routine et lever les voiles vers un tout autre métier ? C’est le pari un peu fou que Laura a décidé de relever en février 2024. Sans presque aucune expérience en mer, la jeune navigatrice de 27 ans a embarqué pour une aventure aussi physique que puissante. Vivre à six dans un tout petit espace, apprendre à lire entre les nuages, composer avec les marées… Chaque journée est devenue un nouveau défi. Cap sur un récit d’une année sur l’eau, entre dépassement de soi, rencontres marquantes et surtout, une grande vague de liberté !

Quelle mouche t’a piquée ?

Voile de bateau vu d'en bas
Une aventure pas bateau (ah bah si) – © Laura Eisenbach

Originaire de Lorraine, je n’avais que très peu d’expérience de navigation avant de me lancer dans cette aventure. Cette expérience représentait un challenge personnel, une opportunité pour apprendre la voile et devenir autonome mais aussi une façon de sortir de ma zone de confort. J’y ai vu également une façon d’explorer un mode de vie plus sobre et plus proche de la nature. Humainement, c’est une expérience très riche car on est amené à vivre à six dans un espace très petit (dans dix ou douze mètres carrés à peu près). Il y a donc aussi tout l’apprentissage de la vie en collectivité dans un milieu très (très) restreint.

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C’était quoi ta préparation ?

Un voilier vu d'en haut
Se faire mener en bateau – © Laura Eisenbach

En février 2024, j’ai quitté mon poste de consultante à Paris pour prendre le temps de vivre une expérience différente de ce que j’avais connu jusqu’à maintenant. Globalement, ce projet m’a demandé six mois pour tout anticiper. Il a fallu passer des tests de sélection, obtenir le permis côtier (même si ce n’est pas obligatoire quand on navigue à la voile), quitter mon appartement à Paris… Ensuite, à partir de février, j’ai d’abord effectué un cursus de formation intensive en Bretagne Nord (au sein de l’association Les Glénans). Cinq mois plus tard, je suis devenue cheffe de bord et monitrice de croisière, ce qui m’a permis de continuer à naviguer en encadrant des groupes le reste de l’année. Au départ, je souhaitais simplement apprendre la voile, mais ce projet m’a emmenée beaucoup plus loin et m’a ouvert d’autres perspectives !

À quoi ressemble une journée type dans ta nouvelle vie ?

Intérieur d'un voilier : couchette et vue sur la barre
Cap vers l’apéro – © Laura Eisenbach

Alors, il n’y a pas de journée type sur un bateau. D’ailleurs, nos points de repères sont complètement différents. À terre, dans la vie de tous les jours, je vais regarder ma montre et la journée se déroule généralement en suivant les différents rendez-vous. En mer, sur un bateau, le cadre de référence change et nos repères sont dictés par les marées, par le vent et par les conditions météo qui évoluent tout au long de la journée. La veille d’une sortie, je vais me renseigner sur tous ces facteurs car ce sont eux qui vont réellement rythmer la journée. C’est en fonction de tous ces paramètres qu’on va par exemple définir à quelle heure mettre nos réveils, préparer le bateau avec l’équipage, quitter le port, prendre nos repas…

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Tes meilleurs et pires moments là-bas ?

Vue extérieur d'un voilier
On skippe les mauvaises vibes – © Laura Eisenbach

Des galères, il y en a eu plein… Ça passe par des personnalités un peu atypiques à gérer à bord toute une semaine, des pannes moteur sur des arrivées de port ou parfois des conditions météo un peu challengeantes. Il y a parfois des expériences désagréables mais pour moi, le plus important est de tirer des enseignements de toutes ces situations et de m’en servir pour progresser dans ma pratique.

Un de mes plus beaux souvenirs était début novembre, où nous sommes partis depuis Lézardrieux vers les îles anglo-normandes et Guernesey avec mes stagiaires. C’était la première fois que je sortais des eaux territoriales françaises et que je partais seule aussi loin des côtes, en ayant la responsabilité d’un bateau. Je trouve qu’il y a un sentiment assez indescriptible quand on arrive sur une île en voilier, dans un autre pays : c’est vraiment magique et c’est quelque chose que j’ai très envie de revivre lors de mes prochaines sorties.

La morale de l’histoire ?

Laura sur son voilier avec des stagiaires à bord en fond
Souquez les Artimuses – © Laura Eisenbach

Je retiens beaucoup de souvenirs et il y a énormément de rencontres qui m’ont marquées. Sur les pontons, j’ai croisé des gens parfaitement ordinaires qui font des choses extraordinaires. J’ai vu par exemple un moniteur encadrer un stage en langue des signes pour des personnes malentendantes ou encore un autre rentrer de dix jours de navigation en quarts au cours desquels il avait traversé quatre fois la Manche ! Je retiens aussi de très belles rencontres avec des stagiaires. Certains arrivent parfois avec de grands projets : avancer vers l’autonomie pour voyager en famille, traverser l’Atlantique ou passer ses vieux jours sur un voilier. Je trouve que toutes ces personnes sont loin de l’imaginaire des vieux loups de mer ou des grands noms de la course au large, et pour moi c’est ce qui les rend d’autant plus inspirantes ! Dans ce job, je trouve que c’est assez magique de contribuer à outiller et d’accompagner des personnes qui sont bien décidées à aller au bout de leurs rêves.

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C’est quoi la suite ?

Soleil couchant depuis un voilier
Soleil au tapis, équipage au taquet – © Laura Eisenbach

Je m’apprête à reprendre un job un peu plus classique à Paris, tout en continuant à naviguer et à encadrer des stages quelques semaines par an. Le prochain défi sera donc de réussir à concilier les deux ! D’un point de vue nautique, j’ai très envie de traverser la Manche bientôt. À plus long terme, lorsque j’aurai acquis un peu plus d’expérience, j’aimerais explorer l’Europe du Nord en voilier et aller jusqu’en Islande ou en Norvège, pourquoi pas remonter jusqu’au cercle polaire !

Un conseil à celles et ceux qui veulent se lancer ?

Laura sur son voilier, tout sourire
Mer nature – © Laura Eisenbach

Je pense que si je devais tirer un enseignement de cette année d’aventures, c’est qu’on peut vivre des expériences particulièrement marquantes sans partir à l’autre bout du monde. J’ai vécu une année très riche en navigant en France, le long des côtes bretonnes. Sur le plan personnel, étant donné qu’il y a peu de femmes monitrices et que je suis souvent la plus jeune à bord, cette expérience a été réellement transformante. Et de ce point de vue, la navigation représente une formidable école de management et de leadership ! Alors mon meilleur conseil (et c’est celui que beaucoup de proches m’ont donné), c’est « Allez-y, foncez ! ». 

Se protéger de l’humidité

L’humidité est assez présente à bord d’un voilier et peut rendre le séjour désagréable. C’est important de s’assurer que ses affaires restent bien au sec. J’ai pris l’habitude de ranger mes vêtements dans des petites housses par exemple et mon duvet est rangé dans mon sac chaque matin.

Choisir son menu de la semaine

Concernant la nourriture à bord, on croit souvent à tort qu’on ne mange que des sandwichs ou des repas lyophilisés mais je n’ai mangé ni l’un ni l’autre en un an ! L’avitaillement est effectué avec l’équipage en début de semaine. Nous choisissons ensemble notre menu et tout le monde participe à tour de rôle à la préparation des repas. Souvent, pour le déjeuner, on partage une salade ou un repas chaud facile à manger en navigation (mention spéciale pour le couscous, accompagné d’une bocal de ratatouille !). Le soir, on prend le temps de cuisiner à bord : légumes marinés aux épices, dahl de lentilles, galettes bretonnes ou même… tarte au maroilles !

Maîtriser les 5F

En navigation, le mal de mer est assez redoutable… Dans la plupart des cas, il peut se prévenir en veillant aux facteurs déclencheurs que sont les « 5F » : le froid, la faim, la fatigue, la frousse et la « foif » (soif).

À cela, on peut ajouter la « fiesta » et la « fumée » (la cigarette peut déranger certaines personnes). Tout l’enjeu est de ne pas laisser le mal de mer s’installer et de réagir dès les premiers signes (quand on commence à se sentir « brasser »). La sensibilité au mal de mer reste propre à chacun et c’est aussi une occasion d’apprendre à se connaître.

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Parfois, le meilleur job du monde est celui qui nous fait lever les yeux et lever les voiles. C’est celui qui nous fait nous évader tout en écoutant ses envies les plus profondes. C’est exactement ce qu’à fait Laura sur son voilier entre manœuvres, imprévus et couchers de soleil presque irréels. On peut le dire, elle n’a pas trouvé qu’une simple nouvelle voie professionnelle mais un vrai cap de vie.

Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.