Chilo | Édito
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Le trail en fait-il assez pour la planète ?

Le trail en fait-il assez pour la planète ?

© utmb® toni spasenoski
© UTMB® Toni Spasenoski

Il y a quelques années, nous avions interrogé la légende Xavier Thévenard pour savoir si le trail était vraiment si vert que ça. Depuis, les kilomètres ont coulé sous les ponts mais l’impact écologique de cette pratique qui a le vent dans le dos interroge forcément. Si le lien entre nature et course en montagne semble évident, il est aussi traversé par des contradictions plus profondes. En prenant récemment des engagements concrets, le HOKA UTMB Mont-Blanc, la plus grande course de trail running au monde, tente d’ouvrir une voie. Perfectible certes, mais plus que jamais nécessaire.

Bon pour la santé, bon pour la planète ?

 

© utmb® gabriele facciotti
© UTMB® Gabriele Facciotti

Longtemps considéré (à juste titre) comme une pratique douce, le trail a connu une croissance spectaculaire en une dizaine d’années, notamment en se médiatisant et en se mondialisant. Ce développement rapide soulève une question de fond : peut-on continuer à faire grossir ce sport sans en dégrader les écosystèmes ? Explosion du nombre de pratiquants, courses multipliées, marques spécialisées : de pratique, le trail est devenu industrie.

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Il vaut bien qu’on fasse un p’tit effort ©Mathieu Pereira

Mais ce développement, qui a le mérite de mettre toujours plus de gens dehors, a toutefois un prix. Du moins un impact. Et ce sont les déplacements des coureurs qui cristallisent les discussions, représentant l’essentiel de l’empreinte carbone d’un événement. La mobilité compte souvent pour plus de 80 à 90 % des émissions d’une course (sources : The Shift Project, WWF France et Carbone 4). En 2024, c’était 88% pour le HOKA UTMB Mont-Blanc.

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Face à ce constat, certains acteurs se mettent en mouvement et commencent à prendre leurs responsabilités. Si quelques événements mondialement reconnus comme le Marathon du Mont-Blanc ont déjà mis en place des initiatives, quand c’est le HOKA UTMB Mont-Blanc, vitrine mondiale du trail, qui change officiellement de braquet, c’est toute une discipline qui observe.

L’UTMB engage sa transition

© utmb® nils charles oddoux
© UTMB® nils charles oddoux

Lors d’une conférence de presse organisée à Chamonix, UTMB Group a annoncé une série de mesures dès 2026 pour réduire l’impact environnemental de son épreuve phare, le sommet annuel du trail mondial qui a lieu fin août chaque année. L’idée ? Pour passer d’une vision du trail DANS la Nature au trail AVEC la Nature, tout en instaurant une dynamique de responsabilité partagée avec les coureurs.

Ces mesures sont axées sur 4 grands piliers :

  • S’engager : réduire de 20% d’ici 2030 les émissions du HOKA UTMB Mont-Blanc ;
  • Mesurer : réaliser chaque année le bilan carbone de l’évènement (18 600 tonnes de co2 en 2024 soit 1,6 tonne par coureur) ;
  • Réduire : avec la mise en place d’un bonus mobilité bas carbone, intégré au système de loterie, pour favoriser les coureurs venant de manière plus vertueuse et le lancement la plateforme UTMB GO, qui facilite les réservations de transports et logements « responsables » ;
  • Contribuer : une contribution carbone obligatoire, ajoutée à l’inscription, sur le principe de “pollueur payeur”, variable selon la géographie.

Selon Fabrice Perrin, Global Director of Sports, Communities & Sustainability du groupe UTMB, ce virage est avant tout insufflé par la famille Poletti, fondatrice de l’épreuve mais aussi par la simple (mais terrible) observation du réchauffement climatique qui sévit à Chamonix et qui impacte déjà une grande partie des évènements.

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© UTMB® Gabriele Facciotti

Il est important de rappeler que ces actions concernent avant tout la semaine du HOKA UTMB Mont-Blanc qui ne représente qu’une fraction du modèle économique et logistique du groupe, où près de 10 000 coureurs et des milliers d’accompagnants se retrouvent chaque été, mais ne concernent pas, pour le moment, le reste du circuit.

C’est, toujours selon Fabrice Perrin, une première étape et le début d’un long processus.

« L’idée est d’élargir progressivement ces engagements à l’ensemble du circuit. Je sais que ce n’est pas parfait mais je suis fier qu’on ne fasse pas semblant. L’immobilisme n’est plus une option. » – Fabrice Perrin

Des efforts réels, des contradictions persistantes

© utmb® franck oddoux
© UTMB® franck oddoux

Difficile de ne pas saluer ce virage. Surtout quand on sait qu’il est suivi et surveillé de près par la PTRA (Pro Trail Runners Association) et l’association Protect Our Winters, qui ont toutes deux accepté d’accompagner l’organisation dans cette transition.

Mais on peut et doit être collectivement plus exigeants. 

Car au-delà de Chamonix, c’est le modèle global du groupe qui soulève encore quelques questions légitimes. L’UTMB World Series, lancé en 2021, compte aujourd’hui plus de 50 courses à travers le monde. Un circuit dans lequel les coureurs doivent participer à des courses labellisées pour accumuler des points et espérer accéder à la finale de Chamonix. Une logique de croissance assumée, en renforçant la marque UTMB dans le monde, pour favoriser la conquête de nouveaux marchés.

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© utmb® paul brechu
© UTMB® Paul Brechu

Mais si l’objectif annoncé par UTMB Group est de permettre à la communauté de courir une course plus proche de chez soi (91% des coureurs viennent du même continent et 58% du même pays d’organisation de la course à laquelle ils participent), il est normal de se poser la question de ce modèle par rapport à l’ancien, où quasiment toutes les courses locales étaient qualificatives pour le HOKA UTMB Mont-Blanc. Un système qui, selon Fabrice Perrin, pourrait être amené à évoluer dans les prochains mois. Pour l’heure, l’organisation mise sur l’optimisation de l’existant plutôt que sur une réduction structurelle du nombre de courses ou de participants.

Reconnaître l’effort ET accélérer le mouvement

nuit © utmb® paul brechu
© UTMB® Paul Brechu

Le trail reste un sport « jeune », fortement ancré dans les territoires et les paysages. Il doit aujourd’hui prouver qu’il peut aussi être un sport lucide, responsable et résilient. L’UTMB, en tant que leader mondial, a accéléré une dynamique même s’il est encore porté par une logique de développement économique qui continue de produire des contradictions. C’est encore imparfait. Mais on avance. Si les engagements se transforment en actes et s’élargissent au-delà de Chamonix, alors ce virage pourrait bien devenir une trajectoire pour tout un écosystème. Mais la réponse ne viendra pas uniquement des organisateurs. Elle viendra aussi des coureurs, de leurs choix et de leurs exigences.

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