Récit : « Je suis devenu aide-gardien de refuge le temps d’un été »
L’été 2023, j’ai décidé d’ajouter une nouvelle expérience dans ma vie d’aventure et de cuisine : devenir aide-gardien au refuge de montagne du col de la Vanoise, dans les Alpes. Pendant 3 mois, j’ai vécu coupé du monde au cœur du vaste et sublime Parc Nationale de la Vanoise. Les prochaines lignes vous racontent cette expérience, mon ressenti, des prémices jusqu’au moment présent et la vie à 2500 mètres d’altitude, au pied des sommets.
Sommaire
Quelle mouche m’a piqué ?
Travailler dans un refuge était un peu un fantasme. Ces dernières années, j’ai découvert de nombreux refuges nichés dans nos massifs français. À chaque fois, en cas de coup dur, de mauvais temps, de matériel cassé, je m’y réfugiais. Je discutais, quelques minutes ou quelques heures avec l’équipe. Je pense bien que je jalousais leur vie au beau milieu de la montagne, entre les sommets, les lacs et les marmottes. Cela m’intriguait et m’effrayait peut-être autant que cela me fascinait. Une vie simple, loin des standards de la vie civilisée. En hiver 2022, ma curiosité a pris le dessus sur ma peur. J’ai décidé de sauter le pas et de faire mes recherches dans le but de découvrir la vie là-haut.
Comment j’ai réussi à me retrouver là
En France, les refuges appartiennent pour la plupart au Club Alpins Français, aux parcs nationaux et régionaux, aux communes ou bien à des propriétaires privés. Chaque refuge est exploité par un·e gardien·ne qui s’accompagne d’une équipe : les aides-gardien·nes. À partir de février, j’ai donc cherché un poste d’aide-gardien.
À lire aussi : 👉 Récit : « J’ai embarqué 2 mois sur un bateau Sea Shepherd »
Première étape : faire une liste des refuges qui m’intéressaient. J’ai cherché dans mes souvenirs un bon moment passé, le plus joli, celui avec la plus belle vue ou encore le meilleur morceau de tarte ! Une fois cette liste concoctée, je me suis aidé du site du syndicat des refuges qui regroupe la liste de tous les contacts des gardiens. Pour la plupart, j’ai directement appelé par téléphone. J’ai ainsi pu avoir un premier ressenti, découvrir le fonctionnement des refuges, les particularités de chacun, les rythmes, l’organisation… En mars, après plusieurs retours négatifs et quelques propositions, je décide de choisir le refuge du col de la Vanoise que j’avais découvert durant ma traversée des Alpes. Ce n’est initialement pas ce que je recherche, mais le contact avec Gérard, le gardien, est bien passé.
À quoi ressemble une journée classique ?
Le refuge de la Vanoise est un des plus gros refuges de France, avec une capacité de 130 couchages. Une équipe d’une dizaine de personnes est présente pour accompagner le gardien, faire vivre le refuge, recevoir les clients et offrir un bon moment aux amoureux·ses de nature qui passent par ici. Je suis cuistot, donc je cuisine toute la journée pour les clients et l’équipe : le midi à la carte et le soir avec un menu unique. Pour les aide-gardiens, le planning est le suivant :
3h : Une personne est chargée des réveils pour les alpi’ (celles et ceux qui partent très tôt pour gravir les sommets) à 3h, 4h, 5h… On croise à chaque fois les doigts pour qu’ils ou elles ne soient pas trop pressé·es d’aller grimper !
6h : Réveil du reste de l’équipe (enfin plus ou moins, selon les dormeur·euses ou les gourmand·es) pour prendre un petit-déj’ commun et débuter la journée de travail.
7h à 11h : Il faut laver les dortoirs, débarrasser le petit-déj’ des clients, laver la salle à manger, préparer les pique-niques, faire quelques préparations pour le déjeuner.
11h : Déjeuner d’équipe
Midi-14h : Service du midi avec : boissons, soupes, plats du jour, omelettes, crêpes… Que des plats gourmands et réconfortants !
14h-18h : En salle chacun s’occupe à servir les clients et de les accueillir. En cuisine, je prépare le repas du soir. On a quand même une pause d’1h30 où c’est l’occasion de bouquiner, faire la sieste au bord du lac…
18h : Dîner d’équipe
19h : On envoie le dîner aux montagnard·es affamé·es. C’est le même menu pour tout le monde : une soupe, du fromage, un plat et un dessert partagé sur de grandes tablées. On nettoie ensuite la cuisine. En salle, on débarrasse et prépare les tables pour le petit-déjeuner du lendemain.
21h : La journée se termine par une tisane ensemble sur la terrasse, pour profiter des dernières lumières du jour et respirer l’air frais de la montagne. Chacun file se coucher. Une longue journée nous attend tous le lendemain !
À lire aussi : 👉 Récit : « J’ai pédalé de Paris jusqu’en Asie avec un niveau Vélib’ »
Vivre isolé là-haut, c’est comment ?
Le village le plus proche du refuge c’est Pralognan la Vanoise. Il y a 2h de marche et 1000 mètres de dénivelé positif entre les deux. Ça fait long pour aller acheter le journal ! Pour la plupart des aide-gardien·nes, nous sommes plus habitué·es à une ville citadine, proche de toutes commodités et du confort. Ici, à 2500m d’altitude, il y a seulement le refuge, nous, les marmottes, les bouquetins et les oiseaux.
Et pourtant, on se sent bien là-haut, on s’habitue rapidement à ce nouveau mode de vie. Plus simple et plus sobre où l’on surveille sa conso d’eau et d’électricité (très limitée). On s’émerveille de tout : des couleurs du matin sur un glacier, d’un nuage, d’un sommet qui réapparaît, des animaux au loin… Ici, pas de tentation, la carte bleue peut rester plusieurs semaines au fond du sac. Ce retour à l’essentiel fait un bien fou !
Cette expérience a changé ma vie
En 2019, je quittais la vie parisienne et le job de consultant qui allait avec. Trois ans plus tard, je me retrouve à cuisiner tout l’été à 2500m d’altitude. Avant d’en arriver là, j’ai beaucoup expérimenté, découvert de nouveaux endroits, voyagé à pied ou à vélo, cuisiné sur un bateau, en station…
Mais je dois dire qu’après cette expérience, je pense avoir trouvé là où je souhaite être les prochaines années. Une randonneuse avec qui je discutais me disait : « Quel sacrifice tu fais de passer tout l’été ici ». J’ai été étonné de sa remarque. Pas une seule fois j’ai eu l’impression de faire un sacrifice. Certes, le rythme de travail est intense, les journées sont répétitives et la grande affluence parfois fatigante. Mais ce retour à une vie plus simple dans ce cadre idyllique n’a pas de prix pour moi.
Depuis, j’ai déménagé à Grenoble pour me rapprocher des montagnes. Avec l’équipe, on a tissé des liens si fort pendant cette expérience que je vis aujourd’hui dans la colocation de deux collègues devenus amis du refuge. Cet hiver, je travaille dans un autre refuge voisin, le refuge de la Leisse. Prochain objectif : devenir gardien de mon propre refuge !
Foire aux questions
Quelles compétences faut-il avoir ? La passion de la montagne, forcément, mais surtout l’adaptabilité et l’aisance sociale. Passer une bonne saison nécessite une équipe soudée pour tenir face à la fatigue accumulée tout en continuant à offrir une expérience de qualité aux prochains randonneurs. S’adapter rapidement à ce nouvel environnement est primordial. Les gardiens reçoivent de nombreuses candidatures : à vous de vous démarquer.
Ça paye bien ? Selon les refuges le salaire sera de 80 à 100 euros net par jour. Les repas et le logement ne sont pas à votre charge.
Combien de temps faut-il être dispo ? La saison estivale s’étend souvent de mi-juin à mi-septembre, en fonction de vos disponibilités et des besoins du refuge, il est possible de travailler deux semaines, un mois ou toute la saison !
Comment trouver un refuge et contacter les gardiens ? Voici une liste des refuges en France et le site du syndicat des refuges qui regroupe la liste de tous les contacts des gardiens.
Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.