À quoi ressemble la station de ski (idéale) du futur ?
Si vous voulez mettre un peu de piquant au repas de Noël familial cette année, n’hésitez pas à lancer la question du devenir et la gestion des stations de ski. Entre l’envie de continuer à profiter des sports d’hiver « comme avant », le réchauffement climatique qu’on ne peut plus ignorer, les milliers d’emplois en question et les enjeux politiques sous-jacents : voilà un bon méli-mélo sur lequel se prendre la tête toute une soirée ! Chez Chilowé, on a déjà donné notre avis sur la question en signant une tribune pour la montagne publiée dans Le Monde. C’est un parti pris. On a conscience que la réponse parfaite n’existe pas toujours, mais on pense que certaines voix méritent d’être entendues.
Cette semaine, on a choisi de mettre en avant celle de Armelle Solelhac. Elle a fait deux fois le tour du monde à la découverte des stations de montagne et de centaines de destinations balnéaires. Forte de cette expérience, elle a fondé une agence de prospective et stratégie spécialisée dans le tourisme et publié un ouvrage sur le management et le marketing des stations de montagne. On lui a demandé à quoi ressemblait sa station de montagne du futur idéale.
Sommaire
Une station où l’on s’adapte à la nature
Avant même de parler de la station du futur, parlons déjà du futur. Si on mixe le compte-rendu du rapport du GIEC et les prévisions des études Climsnow : d’ici à 2050 on aura perdu 10 à 40% d’enneigement naturel par rapport à aujourd’hui. Ça, c’est inévitable, quoiqu’on fasse. Après 2050, si des mesures ne sont pas prises et que le réchauffement climatique se poursuit, la perte d’enneigement naturel l’hiver se poursuivra pour atteindre -50 à -90% par rapport à aujourd’hui, indiquent les rapports. Pour plus de détails, vous pouvez consulter le chapitre du rapport du GIEC consacré à la montagne (ou aller directement à la page 2292 si vous êtes pressé.e).
Pour Armelle Solelhac, l’idéal (dans un monde parfait) serait que tout le monde s’adapte à ce que nous dicte la nature. « Les hivers où il tombe beaucoup de neige comme ça a été le cas en 2017 par exemple : on en profite ! On va skier à fond. En revanche, les hivers où la neige ne tombe pas, on fait autre chose à la montagne. »
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Il n’y a pas que le ski dans la vie et ce ne sont pas les activités de montagne qui manquent ! VTT pour les amateurs de sensations fortes, randonnée pour voir des paysages à couper le souffle, yoga pour se ressourcer…
Une station avec de nouvelles professions
Si les adeptes de la glisse changent leurs habitudes pour s’adapter à la nature, il y aura évidemment un effet boule de neige (sans neige) sur l’activité salariale de la station. Dans ce scénario full neige naturelle, les remontées mécaniques fonctionnent au ralenti et les enneigeurs de culture (canons à neige) sont mis à la retraite. Il n’y a donc plus forcément assez de neige pour skier.
Ce changement impacte les emplois liés au fonctionnement et à l’entretien des pistes, ainsi que ceux de milliers de moniteurs de ski. « Une solution est de renforcer les formations des saisonniers à d’autres métiers comme charpentiers, accompagnateurs en montagne, agriculteurs, moniteurs de VTT, etc. – ce qui n’a rien d’exceptionnel », souligne Armelle.
Une station qui s’attaque aux vrais problèmes
Armelle Solelhac insiste sur le fait que l’arrêt des remontées mécaniques et des enneigeurs de culture ne sont pas la priorité dans une station de ski durable. « C’est ce que l’on pointe du doigt parce que c’est la partie visible, mais le problème écologique des stations est ailleurs. »
Une étude menée par l’agence de la transition écologique (Ademe) en partenariat avec 10 des plus importantes stations françaises, fait autorité depuis des années dans le milieu. Elle indique que 57% du bilan carbone d’une station de ski est dû au transport permettant d’acheminer les visiteurs sur place.
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27% de ces émissions proviennent de la facture énergétique, notamment celle du chauffage du parc immobilier des stations. Enfin, 1,9% seulement est due aux remontées mécaniques, à la production de neige et à l’entretien des pistes. « Si on rénovait les bâtiments – au lieu d’en construire de nouveaux et d’artificialiser davantage les sols – et qu’on mettait en place des ascenseurs valléens, on améliorait drastiquement le coût carbone d’un séjour à la montagne. »
Une station sans voiture
Imaginez une station accessible sans passer des heures dans les bouchons, où on ne s’engueule pas en mettant les chaînes aux pneus (même le Dalaï Lama aurait craqué) et où on ne galère pas à trouver une place de parking… Non, cela n’est pas un rêve et ça existe même déjà. « En Suisse, la station de montagne de Zermatt est uniquement accessible en train. Au Canada, on peut seulement se rendre à la station Sunshine Village via une télécabine », a pu constater Armelle Solelhac lors de son tour du monde. Dans certaines stations françaises, l’impact écologique serait énorme. « À Chamrousse près de Grenoble, on compte parfois près de 18.000 véhicules par jour », affirme l’experte qui tient ces chiffres de la Régie des Remontées mécaniques et de l’Office de Tourisme de Chamrousse.
Mais si on supprime ce transport individuel, il faut bien proposer une alternative collective. Armelle Solelhac mettrait donc bien un ascenseur valléen entre sa station idéale et la gare la plus proche. Cela peut être une télécabine, d’un téléporté, d’un téléphérique ou encore un funiculaire. 5 ans environ sont nécessaires pour mettre en place une telle infrastructure, calcule l’experte.
Le problème, c’est qu’il faut que tous les maires des villes où passe l’ascenseur, valident le projet. Or, personne n’a envie d’avoir un poteau de téléphérique dans son jardin, ni de voir des télécabines remplies de touristes passer au-dessus de son velux. Pour une station sans voiture, « il faut donc beaucoup de courage politique, car vous êtes sûr de ne pas être réélu au prochain mandat », reconnaît Armelle Solelhac.
Une station qui fait peau neuve
Une grosse partie de la consommation énergétique provient des bâtiments. Attention, pas question ici de rentrer dans une course au bétonnage. Dans cette station idéale, on rénove le parc immobilier existant afin d’en réduire la facture énergétique et les faire entrer dans les normes de haute qualité environnementale. « Cela implique par exemple l’installation d’une pompe à chaleur, de panneaux solaires et d’un chauffage par le sol pour l’ensemble du bâtiment. »
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Évidemment toutes ses rénovations ont un coût et demander à chaque propriétaire privé d’un immeuble de prendre les travaux à sa charge s’avère compliqué. En revanche, ces aménagements sont complètement envisageables lorsqu’un promoteur immobilier rachète un bâtiment complet ou une grande partie.
Une station de ski qui devient station de vie
Pour Armelle Solelhac, la station idéale du futur c’est celle qui aura réussi à passer de « station de ski » à « station de montagne » puis à « station de vie ». Les stations ne peuvent plus vivre du pur tourisme, mais doivent être entièrement repensées pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation et à l’évolution de la société. « Le modèle de vacances où l’on skie de 9h à 17h tous les jours du samedi au samedi existe de moins en moins. Aujourd’hui avec les possibilités de télétravail de certains métiers, on peut venir passer un mois dans une station de montagne. » Cela implique de réaménager les bâtiments avec par exemple des espaces de coworking et de véritables lieux de vie où l’on séjourne longtemps.
Prendre en compte l’évolution de la société, c’est aussi observer sa démographie. Selon l’Insee, à partir de 2040, le nombre d’actifs va commencer à décliner, tandis que la population continuera de vieillir avec la dernière vague de babyboomer qui augmentera de 5,2 millions le nombre de personnes âgées de 70 ans ou plus. « On peut parfaitement imaginer des bâtiments avec un étage de chambres d’hôtel, un autre de logements ou de restaurants et un dernier avec un Ehpad par exemple ». Réunion le matin, visite à mamie le midi et ski l’après-midi : elle est pas belle la vie en station ?
Une fois par semaine, le meilleur de Chilowé pour toutes celles et ceux qui aspirent à un mode de vie local, joyeux et tourné vers la nature.