Si la montagne n’est interdite à personne, elle n’est pas pour autant accessible à toutes et tous ! Encore aujourd’hui, le manque d’inclusion se fait autant sentir sur les sentiers que dans certains festivals de films de montagne, notamment pour les personnes sourdes et malentendantes. Heureusement, des personnalités et des acteurs se bougent pour que les lignes bougent aussi.
Encore des sommets à gravir
Arnaud est en pleine forme physique, il pratique la montagne à fond depuis neuf ans et rêve de devenir guide depuis de nombreuses années. Malheureusement, son sentier pour y parvenir est semé de crevasses et d’éboulis, car Arnaud est sourd. « En montagne, il n’existe pas de Bible toute faite qui explique comment devenir guide : il faut se former. » Or sachez qu’il est plus facile de tomber sur une marmotte qui met vraiment le chocolat dans le papier d’alu, que de trouver des personnes et des structures qui acceptent de s’adapter.
Par exemple, Arnaud Guillemot a attendu quatre ans que l’école d’alpinisme accepte qu’il se présente au très exigeant concours pour devenir guide de haute montagne. La question maintenant, c’est : seront-ils en capacité de former Arnaud s’il le réussit ?


L’art de communiquer sans parler
Arnaud anticipe énormément ses sorties en montagne. « Je recherche un maximum d’infos (bulletin avalanche, météo, cartographie) et pousse le curseur encore plus loin pour être paré à n’importe quel problème ». Pourtant, le jeune homme le constate régulièrement : son handicap fait peur. « La première appréhension c’est « comment va-t-on communiquer ? »»
Pourtant, il existe de très nombreuses façons de communiquer sans parler. Arnaud Guillemot les expérimente avec succès lorsqu’il emmène avec lui des gens en montagne. En escalade ou en alpinisme, il donne des informations en tirant sur la corde. En ski de rando, ses bâtons sont ses meilleurs alliés. « Lors d’une tempête en pleine nuit, je me suis retrouvé à communiquer en morse avec ma frontale et sinon, de jour, j’ai également des codes avec les mains inspirés de ceux du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM).»
Et si d’ailleurs c’était la meilleure des approches en montagne ? « C’est sûr que pendant une sortie avec moi, on parle moins, on ne crie pas, on est plus attentif à ce qui nous entoure et aux autres », raconte Arnaud Guillemot. Une cordée aussi silencieuse ce n’est sûrement pas pour déplaire aux gypaètes barbus !



Handicap invisible
Aujourd’hui, Arnaud Guillemot a l’impression d’être parfois bien seul dans son combat. « On est encore trop peu nombreux en montagne car les personnes sourdes manquent d’infos, pensent que ce n’est pas accessible pour elles ou ne trouvent pas de guides pour les emmener ». Cette dernière situation est également liée à un manque de connaissances sur ce handicap. Par exemple, certains s’expriment uniquement en langue des signes, d’autres la complètent avec l’oral et d’autres encore comme Arnaud ne la pratiquent pas et s’expriment oralement comme les entendants ! Il s’appuie exclusivement sur la lecture labiale pour comprendre ses interlocuteurs d’où l’importance d’être à visage découvert et de ne pas être à contre-jour.
Invisible sur les sentiers, mais également dans certains événements liés à la montagne. Pour des raisons de coûts, il n’y a pas toujours d’interprètes pour les échanges et débats. « Seules 13 % des projections étaient sous-titrées en 2024. », pointe le collectif Silence on grimpe. Pourtant certains acteurs se battent pour ouvrir la montagne à toutes et tous.

Le festival qui bouge les lignes
Cette année encore, Chilowé est partenaire de Femmes en Montagne, probablement le festival de films le plus inclusif de France. Parmi leurs nombreux chevaux de bataille : l’accessibilité pour les personnes sourdes et malentendantes. Et croyez-nous, ce volet est encore loin d’être le dada des festivals de films de montagne…
« Quand on parle d’accessibilité, on pense souvent aux personnes à mobilité réduite et assez peu aux personnes sourdes car c’est un handicap invisible », constate Tanya Naville, directrice du Festival Femmes en Montagne. Aujourd’hui, 100% des films diffusés sur ce festival sont sous-titrés pour les sourds et malentendants et depuis l’an dernier les échanges sur scène sont également interprétés en direct en langue des signes français.
« Nouveauté cette année, ces échanges seront également sous-titrés en direct par une professionnelle », ajoute Tanya. En effet, comme Arnaud l’expliquait précédemment : toutes les personnes sourdes ne parlent pas la langue des signes. Enfin, l’équipe de communication met le paquet pour faire savoir que le festival est accessible aux personnes sourdes et malentendantes.
Les festivals de films de montagne et d’aventure font de nombreux efforts, mais cela a un vrai coût. Alors, si vous voulez aider Femmes en Montagne, vous pouvez les soutenir en faisant un don à l’association et pérenniser l’accessibilité du festival.











