Vous le savez, chez Chilowé, on est des petits curieux et des grands fans d’aventures. On a donc profité du Latitude Expérience pour aller poser plein de questions à celles et ceux qui s’y connaissent vraiment en aventure. On leur a tendu le micro (et surtout l’oreille) pour leur demander : qu’est-ce que l’aventure, comment ça se vit et surtout, qu’est-ce que ça nous apporte ?
C’est quoi l’aventure pour toi ?
Marie et Arnaud (alias @4saison4pattes) : pour nous l’aventure, c’est sortir de notre zone de confort pour découvrir des choses nouvelles. C’est le jour où tu es dehors, il commence à grêler et à faire nuit, tu n’as pas monté ta tente mais tu es quand même en train d’aimer ce que tu vis. C’est dans ce moment que tu te dis « Ah ouais, là c’est peut-être ça l’aventure ».
Léa (alias @lea_bipolaire) : pour moi l’aventure, c’est l’imprévu. C’est me laisser aller et voir sur le moment où est-ce que je vais aller, quelles sont les personnes que je vais rencontrer et qu’est-ce qu’il va se passer le lendemain. Tout ça, alors que je n’ai pas prévu grande chose.

L’aventure doit-elle forcément être extra-ordinaire ?
Victoire et Éléonore (alias @cycling_roses) : non, l’essentiel, selon nous, est d’oser créer sa propre aventure. Oser partir, quels que soient les moyens dont on dispose ou les craintes qui nous retiennent. L’important, c’est de se lancer. Cela peut sembler un peu cliché, mais ça ne l’est pas. Partir à l’aventure, c’est parfois simplement s’accorder une journée ou deux. Cela peut tout aussi bien se vivre à l’hôtel, pas besoin de se transformer en Mike Horn du jour au lendemain (ni même jamais d’ailleurs). Chaque aventure est unique, il n’est pas nécessaire de suivre la route tracée par un autre. L’essentiel est de découvrir ce que l’on a vraiment envie de vivre. Beaucoup redoutent que les choses tournent mal, alors qu’en réalité, la plupart du temps, tout se passe bien. Il faut donc avoir confiance : même lorsqu’il y a des galères, l’expérience reste toujours positive.

Quelles sont les pires galères que vous ayez vécu ?
Victoire et Éléonore (alias @cycling_roses) : lors de notre premier voyage à vélo, je n’avais jamais parcouru plus de vingt kilomètres d’une traite. Et pourtant, nous nous sommes retrouvés en Islande, confrontés à des conditions extrêmes, avec plus de cent kilomètres à avaler chaque jour. Je me souviens particulièrement d’une journée où nous devions franchir une longue route. En Islande, les voitures sont d’ordinaire nombreuses à nous dépasser, raison pour laquelle nous conseillons plutôt d’emprunter les routes secondaires si vous vous y aventurez. Mais ce jour-là, étrange coïncidence, pas une seule voiture en vue. Nous nous demandions pourquoi nous étions seules sur cette route où, d’habitude, la circulation ne désemplit pas.
Très vite, nous avons compris : un vent de face glacial s’est levé, accompagné de rafales à plus de 80 km/h. Ce n’est qu’un peu plus tard que nous avons vu passer des messages d’alerte. Mais à ce moment-là, nous étions encore sur nos vélos, nos petites sacoches accrochées, avec soixante kilomètres devant nous. Sur le plat, nous ne dépassions pas les cinq kilomètres à l’heure et la situation devenait franchement dangereuse. Pourtant, nous avons fini par y arriver ! Tout au long du trajet, nous répétions : « Si une voiture passe, on fait du stop immédiatement. » Mais personne n’est venu. Aujourd’hui, ce souvenir nous fait beaucoup rire… même si, sur le moment, ce n’était pas franchement drôle.

Est-ce normal d’avoir peur ?
Florian Fiquet (alias @flo_climatrek) : avant de se lancer, il est normal d’avoir peur. Normal de douter. Normal aussi d’entendre les autres nous dire que nous sommes fous, que nous n’y arriverons pas, ou même d’avoir cette petite voix intérieure qui nous souffle la même chose. Mais il faut l’accepter et, malgré tout, avancer. Au pire, rien n’empêche de s’arrêter au bout de quelques jours. Ce n’est pas un échec, ni un drame. Lorsque j’ai traversé la France à pied, je me répétais : « Au pire, j’arrêterai au bout d’une semaine, de dix jours ou de deux semaines. » Et puis, peu à peu, cette idée s’est dissipée, et tout s’est déroulé sans encombre. Il ne faut pas appréhender l’aventure dans son ensemble, mais la découper en petites étapes, les unes après les autres. Et, bien souvent, tout se passe très bien ainsi.

Pourquoi partir à l’aventure ?
Florian Fiquet (alias @flo_climatrek) : les souvenirs ! Et d’ailleurs, mon meilleur souvenir, c’est un bivouac que j’ai fait dans les Alpes. C’était vraiment magnifique. Après toute une journée de marche, j’arrive sur un spot devant le glacier Bionnassey en Haute-Savoie, tout proche du Mont Blanc. Il y avait une petite parcelle d’herbe, je plante ma tente et je passe toute la soirée avec la vue sur le glacier. Je l’ai vu changé de couleur tout le temps entre le coucher et levé de soleil, c’était incroyable. J’ai trouvé que c’était un des plus beaux paysages dans lequel j’ai pu bivouaquer.

Et si je n’y arrive pas ?
Léa (alias @lea_bipolaire) : une nuit en pleine montagne, je n’ai fait que vomir. Le froid était si intense qu’il devenait presque insurmontable de sortir. Pourtant, cette épreuve m’a appris à me reconnecter à mon corps, à l’écouter vraiment. J’ai alors décidé d’aborder l’ascension beaucoup plus lentement. Après cette prise de conscience, j’ai tout vécu bien mieux. Ce qui me tient à cœur, c’est d’accepter mes fragilités, de les regarder en face, afin de mettre en place un plan d’action adapté et de parvenir, malgré elles, à me transcender, aller au-delà des limites qu’on nous donne. Dans mon cas, cette fragilité a été une maladie mentale : la bipolarité. Mais cela peut être toute autre faille, toute autre vulnérabilité. L’important est de l’accepter et d’avancer, à son propre rythme.

La meilleure qualité d’un aventurier ?
Marie et Arnaud (alias @4saison4pattes) : la résilience. C’était en septembre, lors de notre traversée de la Serbie d’ouest en est, en suivant le fleuve Danube. À la toute fin du voyage, nous avons atteint la chaîne des Carpates, vers les célèbres Portes de Fer, ces gorges majestueuses où le Danube s’engouffre entre les montagnes. Nous avions pris un peu d’altitude et marchions désormais dans une neige épaisse, sous un froid mordant. Vers quinze heures, au milieu de nulle part, nous apercevons une sorte de roulotte, utilisée l’été par les chasseurs. Par miracle, elle était ouverte. Sans hésiter : « Feu ! On dort ici, sinon on va geler cette nuit. » On s’installe tant bien que mal, on découvre un poêle à bois et on se met en tête d’allumer un feu. Mais le bois était humide, gelé jusqu’au cœur : avant de le faire brûler, il fallait d’abord faire fondre la glace qu’il contenait. Avec la moindre brindille sèche trouvée alentour, nous tentions de l’assécher, de l’arracher à l’hiver. Après des efforts interminables, nous parvenons enfin à allumer une petite flamme et à sentir la chaleur nous gagner… quand soudain, *BIM*, le conduit du poêle se détache et la roulotte s’emplie de fumée. Tout était à recommencer. Nous voilà donc en train de manipuler à mains nues, ou presque, le tuyau brûlant pour le réinstaller, d’ouvrir toutes les fenêtres alors qu’il faisait –10 °C dehors, puis de repartir de zéro pour déglacer et rallumer le bois. Un moment rude, mais qui restera gravé comme une véritable leçon de persévérance.

Un dernier conseil ?
Marie et Arnaud (alias @4saison4pattes) : ne pas hésiter à partir à l’aventure. C’est une décision qu’on ne regrette pas. On se trouve toujours des excuses : « C’est trop cher, mon sac il est trop lourd, j’ai une blessure ». Mais tout ça, c’est juste des excuses pour ne pas franchir le premier pas. Parce que c’est le plus dur en fait, c’est dur de tout lâcher et passer la porte de chez soi avec un sac sur le dos. Et deuxième conseil : se donner le temps, parce que c’est avec du temps que tout devient possible. Il y a des gens qui sont capables d’aller à Istanbul peut-être en 4 mois, nous, on en a mis 10 et c’est complètement ok. Chacun son rythme et son aventure !
Victoire et Éléonore (alias @cycling_roses) : un conseil matériel : aujourd’hui, sur Instagram, on voit quantité de voyageurs équipés comme des professionnels, avec du matériel dernier cri. Pourtant, au départ, tout cela est loin d’être indispensable. Je me souviens encore de nos premiers vélos, les premiers prix du magasin, que nous trouvions absolument formidables. Pas besoin d’un équipement de compétition pour se lancer : ce n’est pas lui qui fera la qualité des souvenirs que l’on se créera. Il ne faut donc surtout pas se laisser freiner par la question du matériel : l’essentiel est de partir, pas de posséder l’équipement parfait.
Florian Fiquet (alias @flo_climatrek) : pour moi, le meilleur conseil c’est d’oser sortir de sa routine et se dépayser en termes de rythme. J’ai souvent une routine quand je suis en aventure : Monter la tente, la plier, etc. Et c’est une routine certes, mais avec un rythme différent que le quotidien. L’idée c’est vraiment d’avoir un cadre différent et de changer tous les codes qu’on a au quotidien.












